MIYAKE (I.)

MIYAKE (I.)

MIYAKE ISSEY (1935- )

Couturier japonais, dont l’originalité transcende la notion même de modernité, Issey Miyake est avant tout un visionnaire et un très grand technicien. Le caractère intuitif de sa démarche qui privilégie délibérément des combinaisons de formes inédites et percutantes, le respect conjugué de l’aisance du corps et de la qualité des tissus le situent sur le même plan qu’une Madeleine Vionnet.

Formé au Japon à l’université Tama (1959-1964), Issey Miyake y présente sa première collection en 1963. Il est un des premiers créateurs japonais à s’implanter à Paris: profitant du climat culturel parisien des années soixante, Issey Miyake est en 1965 élève à l’école de la Chambre syndicale de la couture parisienne. Dans ces mêmes années, la mode connaît un bouleversement provoqué par Paco Rabanne, Courrèges et Cardin. Ce dernier conçoit ses robes les plus avant-gardistes pour son mannequin vedette, la Japonaise Hiroko. Entré en 1966 chez Guy Laroche, Issey Miyake a l’ambition de s’intégrer dans l’équipe du grand maître reconnu de la période, Balenciaga, mais celui-ci ferme sa maison de couture en 1968. C’est donc chez son disciple, Givenchy, que Miyake passe cette année: il y travaille avec une partie de l’ancienne équipe de Balenciaga. Là il gagne une conscience très avertie des propriétés techniques et esthétiques des tissus et de la nécessité, préalable à toute création, d’audacieuses simplifications formelles. Sa carrière se poursuit à New York (chez Geoffrey Beene, 1969), puis à T 拏ky 拏, où il crée un bureau de style (1970).

Dès 1971, Issey Miyake se fait connaître comme créateur de mode sur la scène internationale: il présente ses œuvres à New York, puis à Paris, où il fait partie du groupe réuni par Andrée Putman pour encourager le renouveau de la création, les «créateurs industriels». Ayant établi sa réputation de styliste engagé dans un processus résolument contemporain, Miyake développe son équipe et cultive les occasions de collaboration, de rencontre et d’échanges avec les autres créateurs. Le fruit de cette quête est, en 1974, la présentation commune des créations de Miyake et de Kansaï Yamamoto à T 拏ky 拏. Tandis que le style de Kansaï Yamamoto se signale par des couleurs stridentes et une profusion de détails baroques, kitsch, l’art d’Issey Miyake se distingue par son chromatisme assourdi, sa volonté d’épurement et l’ampleur mesurée des drapés, souples et néanmoins hiératiques. En 1980, Miyake collabore avec Maurice Béjart: il crée les costumes spectaculaires destinés au ballet Casta Diva .

L’attitude du couturier est liée à sa connaissance des tissus traditionnels japonais et de leurs techniques de fabrication. Il les intègre dans ses collections, ainsi que des étoffes au tissage original, avec effets de froissement, de plissé, de gaufrage, de smocks. Les vêtements de Miyake «flottent» ordinairement. Il aime à dire que, fidèle à l’esprit du kimono, il souhaite conserver un espace entre le corps et le vêtement, et exalter le geste, le rythme d’une démarche. Amoureux des paradoxes, Miyake peut à l’occasion concevoir des vêtements rigides comme des carapaces, tel ce corselet de samouraï (1982) ou ce bustier de plastique, drapé d’un «tissu mouillé», d’un effet saisissant (1985).

L’ouverture de la boutique d’Issey Miyake à Paris en 1975 et son succès immédiat révèlent l’adhésion de l’intelligentsia internationale à une conception japonaise du vêtement, où la décontraction très calculée s’accompagne d’une rigueur formelle impeccable, aux antipodes du «négligé» ou des bricolages non-conformistes de l’«antimode». L’intérêt que Miyake apporte à l’analyse des partis pris esthétiques, à l’histoire du goût, aux phénomènes d’acculturation, l’incite à organiser ou à participer à des entreprises de recherche et de réflexion sur le vêtement dans son rapport à l’environnement culturel: il présente l’exposition Issey Miyake in Museum au musée Seibu (T 拏ky 拏, 1977), East Meets West (Mulhouse, 1979), Issey Miyake Bodyworks (T 拏ky 拏, Los Angeles, San Francisco, 1983) et collabore à l’opération Espace-Temps au Japon (musée des Arts décoratifs, Paris). Il intervient activement dans la création et le développement d’un institut de recherche sur les phénomènes de mode, à Ky 拏to, dont la première exposition Inventive Clothes , en 1975, est présentée aux États-Unis et au Japon. Il est un des premiers couturiers à avoir compris la nécessité de contrôler soigneusement la qualité et surtout la cohérence de son message esthétique. À cet égard les livres qu’il a publiés sur son œuvre sont des réussites, tant visuelles qu’intellectuelles. Le succès commercial a accompagné constamment les entreprises de Miyake, qui possède un grand nombre de boutiques de prêt-à-porter masculin et féminin dans différents pays, et dont les défilés de présentation, très courus, empruntent leur théâtralité aux rituels du n 拏 et du kabuki. Miyake a ajouté à sa ligne de prêt-à-porter de luxe une collection Issey sport , et une ligne plus abordable, Plantation .

La nouvelle génération de stylistes japonais doit son émancipation esthétique à l’exemple de Miyake qui a démontré que la mode pouvait être à la fois thème ludique, objet de culte et message de bien-être.

Encyclopédie Universelle. 2012.